Vanessa L.-Longpré, cheffe, communications et marketing de la Fondation Hôpital Charles-LeMoyne, Pierre Vachon, directeur action sociale et éducation à l’Opéra de Montréal, Dominique Tremblay, professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et chercheure régulière au Centre de recherche Charles-Le Moyne, Dre Catherine Prady, oncologue et cogestionnaire médicale du Centre intégré de cancérologie de la Montérégie (CICM) et la soprano et cheffe de chœur Myriam Leblanc. (Photo : gracieuseté)
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Le chant choral pourrait-il atténuer le fameux « brouillard cérébral » qui affecte de nombreuses personnes ayant reçu des traitements de chimiothérapie ? C’est la question à laquelle tente de répondre une équipe interdisciplinaire du Centre de recherche Charles-Le Moyne (CRCLM), en collaboration avec l’Opéra de Montréal, dans un projet inédit mariant science et art.

Depuis le printemps, une chorale un peu particulière se réunit chaque semaine sur le Campus Longueuil de l’Université de Sherbrooke. Dirigé par la soprano et cheffe de chœur Myriam Leblanc, l’ensemble réunit 16 participants — non pas pour préparer un concert de Noël, mais pour contribuer à la recherche. Le projet vise à mesurer les effets du chant choral sur le «brouillard cérébral», un trouble cognitif qui touche jusqu’à 75 % des personnes ayant reçu une chimiothérapie, et dont certaines continuent de souffrir une décennie plus tard.

Pendant 24 semaines, les choristes complètent divers questionnaires avant et après les séances afin d’évaluer leur bien-être, leur fatigue, leur stress et leur perception des symptômes cognitifs. À la croisée de la musicothérapie et de la recherche clinique, ce projet pourrait ouvrir la voie à de nouvelles approches complémentaires pour améliorer la qualité de vie des survivants du cancer.

« Brouillard cérébral »

Linda Salvail a reçu plusieurs chimiothérapie dans sa vie. Elle explique en quoi consiste le «brouillard cérébral» : «Je suis restée avec une difficulté permanente à la concentration. La mémoire aussi. C’est devenu vraiment problématique. Il y a un moment où l’on se demande si on est en train de perdre la boule.»

Quand son oncologue lui a parlé de ce projet, Mme Salvail, qui avait déjà fait du chant choral plus tôt dans sa vie, a accepté. «Pour moi, chanter en groupe, c’est du pur bonheur!»

Depuis qu’elle chante chaque semaine, elle dit ressentir un regain d’énergie. «J’ai moins de difficulté à me lever le lendemain, à faire mes activités. C’est très valorisant», raconte-t-elle. Et surtout, elle trouve réconfortant de partager cette expérience : On se dit : ok, ce n’est pas anormal. Je ne suis pas seule à vivre ça. »

Les impressions de Mme Salvail sont corroborées par plusieurs autres témoignages de participants qui laissent entrevoir une réelle amélioration de leur qualité de vie, tant sur le plan physique que psychologique.

Une avenue prometteuse

Actuellement, aucun médicament ne permet de réduire le brouillard cérébral lié à la chimiothérapie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, certaines approches non médicamenteuses — comme l’exercice, la rééducation cognitive ou les interventions psychosociales — donnent des résultats encourageants. Le chant choral pourrait-il s’ajouter à cette liste?

C’est ce que souhaite montrer la Dre Dominique Tremblay, chercheure au CRCLM et à l’Université de Sherbrooke qui mène ce projet de recherche. «Les traitements de chimiothérapie ont des effet sur les cytokines qui sont reliées au système immunitaire. Quand on perd la mémoire, le cortisol fait augmenter notre stress», explique-t-elle.

Un protocole standard a été évalué sur le plan éthique et scientifique et des bénéfices sont déjà observables sur le plan de la fatigue, du bien-être et du stress. «On sort de la boite. On voit que de plus en plus de personnes vivent l’après-cancer grâce aux nouvelles molécules. Il faut s’occuper du bien-être de ces gens-là.»

Quand l’opéra rencontre la science

Pour Pierre Vachon, directeur Action sociale et éducation à l’Opéra de Montréal, cette collaboration s’inscrit dans la continuité du programme Opéra santé, lancé en 2016. «Nous avons vu les bienfaits du chant chez des patients atteints de COVID longue avec le programme Respirer. Avec Chantons, nous explorons maintenant ses effets en oncologie.»

«On sait que la musique a des effets et des bienfaits sur la santé mentale et physique des gens, ajoute-t-il. La musique ne guérit pas, mais tout à coup qu’elle soignerait, qu’elle ferait du bien. Soigner au sens très large, dans le sens qu’elle fait du bien à nos vies.»

Pour lui, ce projet s’inscrit dans une approche amorcée en Angleterre il y a plusieurs années : la prescription sociale. Au lieu de prescrire une pilule, les médecins de première ligne peuvent prescrire un concert, la participation à un projet artistique ou une marche en forêt.

«L’OSM vient d’ailleurs de lancer son projet de Prescription sociale en association avec l’Ordre des médecins francophones du Canada, ajoute M. Vachon. C’est un nouveau chantier que beaucoup d’organisations artistiques sont en train de développer.»

Résultats à venir

Les séances de chorale prennent fin le 27 novembre. Les résultats seront analysés avant d’être rendus public. La Dre Tremblay espère que des personnes soutiendront cette activité par la suite. «Plusieurs participants nous disent vouloir continuer», indique-t-elle en espérant que cette méthode fasse un jour partie de l’offre de soins.

Le projet sera présenté au prochain congrès international de psycho-oncologie en Australie – une belle vitrine pour cette initiative québécoise. «Ce qui se passe au Québec devient intéressant à l’international», lance la Dre Tremblay.

Mené avec la Fondation Charles-Le Moyne, et initié par la Dre Catherine Prady du Centre intégré de cancérologie de la Montérégie, avec la collaboration de la neuropsychologue Sylvie Coallier, le projet illustre comment la science et l’art peuvent s’unir pour redonner espoir et harmonie à ceux qui ont traversé la maladie.

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